Qu’est-ce que l’amitié véritable ?
Un dialogue entre Gottfried l’oiseau et Socrates le bâton. Gottfried pense que chaque être est indépendant mais fait partie d’un ensemble logique et harmonieux que le chant fait deviner. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite attentivement les réponses.
Gottfried: Socrates, vous revoilà, cela fait une éternité que vous n’êtes pas venu dans le domaine!
Socrates: je sais bien, cher Gottfried, j’étais très occupé.
Gottfried: avec Baguette?
Socrates: oui, c’est cela, maintenant que nous sommes ensembles, nous ne voulons plus nous quitter mais vous voyez, je n’ai pas oublié mes amis pour autant.
Gottfried: et pourquoi n’est-elle pas avec vous?
Socrates: elle avait à faire de son côté mais elle est impatiente de vous rencontrer quand ce sera possible.
Gottfried: moi aussi! En attendant, vous avez de nouvelles questions?
Socrates: Gottfried, vous vous moquez mais oui, j’ai des questions: comment allez-vous et comment va Baruch?
Gottfried: ce sont de nouvelles questions qui me plaisent car elles montrent que vous vous préoccupez de nous.
Socrates: vous ne pensiez pas que je vous considérais comme des amis, Baruch et toi?
Gottfried: je n’en savais rien. Ou du moins, je ne savais pas de quel type d’amitié il s’agissait.
Socrates: une amitié qui m’a permis de devenir plus sage en parlant avec vous puisque la connaissance ne vient pas d’elle-même, elle se révéle dans le partage.
Gottfried: toutes les amitiés sont fondées sur le partage, vous avez raison, mais une seule mérite le titre d’amitié véritable. Que vous veniez sans rien attendre de moi, juste pour vous préoccuper de mon bien-être, prouve que votre amitié n’est ni intéressée comme c’est souvent le cas, ni d’agrément. A moins bien sûr que ma présence soit une façon de vous distraire de votre solitude.
Socrates: vous me faites des reproches voilés, cher Gottfried, et je les ai mérités car je vous ai donné le sentiment que vous ne comptiez que quand j’avais besoin de vous. C’est pour cela que je tenais à venir dés que possible. Vous devez savoir que ce que vous me dites de vous m’a toujours rendu plus lucide sur moi-même puisque cela m’a forcé à me poser des questions et à trouver les réponses. C’est précieux et je veux donc être pour vous une aide identique.
Gottfried: c’est parce que nous savons nous écouter et nous taire quand il faut, c’est à dire nous respecter. J’ai pensé aller vous voir mais je savais que vous étiez occupé à soigner votre relation avec Baguette donc j’ai préféré attendre.
Socrates: votre tact est bien le signe de votre affection véritable et j’en suis touché. Mais vous ne m’avez pas encore répondu sur votre situation et celle de Baruch.
Gottfried: oh, je vais bien, je cours beaucoup pour nourrir ma petite famille qui vient de s’agrandir de trois oisillons mais cela me maintient en forme. Quant à Baruch, il est de retour et il est amoureux.
Socrates: il est amoureux, c’est une très bonne nouvelle. Avez-vous vu l’objet de cet amour?
Gottfried: non, c’est une héronne du sud qui est restée là-bas.
Socrates: et qu’en dit-il ?
Gottfried: il s’inquiète de savoir s’il a bien fait de revenir seul et si elle viendra le rejoindre, il me demande des conseils, il vole de ci de là sans se poser, vous ne le reconnaitriez pas.
Socrates: mais va-t-il bien?
Gottfried: oui, il a trouvé ce qu’il lui fallait mais il lui faudra faire des choix. C’est ce qu’il est en train de réaliser.
Socrates: ce sont des choix qui s’imposeront d’eux-mêmes, qu’il profite plutôt de ce qu’il a maintenant et des amis qui l’entourent.
Gottfried: oh, il le fait, rassurez-vous, c’est la raison pour laquelle je pense que ça ira mais il sera sans doute moins souvent ici qu’autrefois.
Socrates: comme moi! La vie apporte des changements bienvenus quand ils sont attendus, je peux vous l’assurer, même si pour certains, ils ne sont pas forcément agréables puisqu’ils nous voient moins.
Gottfried: je ne serais pas un ami si je ne me réjouissais pas de votre bonheur et si je n’acceptais pas que vous viviez différemment maintenant que vous avez trouvé ce que vous cherchiez. Je suis sûr que Baruch pense comme moi. Le temps ou la distance n’effacent pas la confiance que les amis se portent et quand ils se retrouvent, c’est comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.
Socrates: vous avez raison, c’est à cela qu’on reconnait d’ailleurs les vrais amis. Les autres, ceux qui se plaignent d’être abandonnés, ils n’étaient amis que pour leur propre intérêt. Mais laissez-moi vous féliciter pour vos enfants, c’est là aussi une grande nouvelle.
Gottfried: oh vous savez, chez nous les oiseaux, c’est un événement annuel. Nous y sommes habitués. Dans quelques mois, ils seront partis du nid et nous ne les reverrons plus.
Socrates: la différence avec les amis, c’est que même loin, ils reviendront toujours!
Gottfried: et ils seront toujours les bienvenus.
Analyse
Toutes les amitiés se ressemblent-elles?
Pour Gottfried qui rejoint là Aristote, la véritable amitié est celle dans lequel les amis s’aiment pour ce qu’ils sont. Elle différe de l’amitié intéreressée qui consiste à rechercher la compagnie de l’autre pour ce qu’il peut nous apporter d’utile ou l’amitié d’agrément qui consiste à rechercher l’autre pour partager avec lui des moments de détente. Seul le temps permet de les différencier car toutes commencent dans le besoin de l’autre.
Pour Socrates, l’amitié est ce qui permet la connaissance de soi et de la vie car elle est discours et partage. Sans elle, rien ne peut apparaître. Elle nous dévoile autrui et nous apporte une plus grande lucidité sur nous-même. Elle ne disparait pas non plus avec le temps ou la distance.
Discussions possibles
Amour et amitié sont-ils compatibles?
Pourquoi les amis des amis ne sont pas forcément nos amis?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez, par exemple, Ethique à Nicomaque où Aristote explique à son fils Nicomaque comment vivre heureux et a un chapitre où il lui indique comment évaluer ses amitiés.
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