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Dialogue existentiel 2: peut-on éviter les doutes?

Dialogue existentiel 2: peut-on éviter les doutes?

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peut-on éviter les doutes

Peut-on éviter les doutes?

Un dialogue entre Socrates le bâton et Gottfried l’oiseau. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite attentivement les réponses. Gottfried pense que chaque être est indépendant mais fait partie d’un ensemble logique et harmonieux que le chant fait deviner.

Socrates: Maître Oiseau, je vois que vous chantez et êtes joyeux jours après jours; comment peut-on éviter les doutes comme vous semblez le faire ? N’avez-vous jamais de questionnements qui assombrissent votre humeur ?

Gottfried: ah, monsieur Bâton, si, bien sûr, j’en ai, mais je vais vous confier un secret: je chante et je les oublie.

Socrates : comme ça, tout simplement ? Je n’y crois pas. Leur cause n’a pas pu disparaître.

Gottfried : je les oublie, je ne les fais pas disparaître! Mais en les oubliant, je leur trouve souvent une solution. Vous savez que lorsque vous vous forcez à sourire quand rien ne va, ça éclaircit les nuages: ils sont toujours là mais vous les voyez faisant partie d’un ensemble plus grand qui a un sens. Eh bien, pour les doutes, c’est la même chose ; il faut voir qu’ils s’intègrent dans un ensemble que le chant fait redécouvrir; cela atténue leur importance.

Socrates: mais comment pouvez-vous être sûr que c’est la bonne solution?

Gottfried: parce que ça marche, monsieur Bâton, parce que ça marche. Vous avez des doutes quand vous ne pensez pas avoir trouvé la vérité mais si votre action vous fait oublier ces doutes ou leur trouve une réponse, ne pensez-vous pas que cette action est la bonne?

Socrates: elle est la bonne pour vous mais vous ne savez pas si elle est la meilleure.

Gottfried: c’est bien pour cela que les doutes reviennent régulièrement car je sais en regardant autour de moi que ma façon de faire n’est pas la seule possible; si cependant elle me convient, je la garde. D’autant plus qu’en fin de compte, je ne sais souvent pas comment faire autrement.

Socrates: pourtant, si vous examiniez bien ces doutes, ne pensez-vous pas que vous pourriez arriver à une plus grande connaissance qui vous rendrait plus sûr de vous?

Gottfried: cela me semble bien compliqué alors que j’ai déjà la solution. Quand je chante, je perçois intuitivement que le monde est conçu comme une harmonie parfaite où tout a sa place rationnelle. Si je doute, je remets en cause la sagesse suprême qui a tout organisé et je me pense plus savant qu’elle.

Socrates : si, comme vous le dites, le monde est rationnel et que je possède la raison, ne pensez-vous pas que je devrais l’utiliser pour percer ses secrets et mieux servir ses différentes créatures ?

Gottfried : ah, voila qui est bien pensé, je vous l’accorde. Vous savez que vous devez douter et vos doutes deviennent des outils qui effacent les problèmes. Je sais que je dois chanter et mon chant efface les soucis. Nous ne pouvons donc pas éviter les doutes mais nous leur trouvons des réponses et des utilités différentes.

Socrates : oui, pour moi, éviter les doutes, ce serait décider de ne jamais examiner les choses et donc ne rien savoir sur elles. Ça ne me conviendrait pas.

Gottfried: certes, je ne vous dit pas que chanter me fait trouver les vers qu’il me faut pour vivre! Je dois élaborer une stratégie pour y arriver et ce n’est pas toujours facile ni infaillible. Cependant, ma croyance en un ordre pré-établi rend ma quête plus joyeuse et plus agréable. Et qui sait, peut-être les vers sont-ils plus heureux que ce soit moi qui les mange plutôt que la taupe maussade?

Socrates : c’est vrai, je connais une baguette toujours souriante qui me réchauffe le cœur. Mais si chanter est votre remède, comment expliquez-vous que de la cigale et de la fourmi, c’est la cigale qui meurt de faim ?

Gottfried: la cigale ne meurt de faim que dans l’esprit d’un certain monsieur De La Fontaine. En réalité, elle chante et prospère. Elle suit sa nature qui n’est pas celle de la fourmi.

Socrates : alors qu’en est-il des fourmis et de leur attitude ?

Gottfried: elles vivent dans une société hiérarchisée, elles sont programmées pour effectuer une tâche précise ; si elles suivent les règles, tout va bien alors pourquoi douteraient-elles de leur validité? La cigale qui agit autrement les perturbe, c’est pour cela qu’elles la critiquent.

Socrates :elles se sentent effectivement en accord avec les choses comme vous le dites mais elles ne me semblent pas beaucoup évoluer. Douter, c’est se donner la possibilité de s’améliorer.

Gottfried: pourquoi évolueraient-elles si tout est bien? Elles savent qu’elles vont réussir, il leur suffit de suivre ce que leur éducation leur a appris. Le doute, c’est la peur de se tromper mais si vous avez la vérité, pourquoi douter?

Socrates: pour rester humble. La fourmi est arrogante parce qu’elle pense être dans le vrai.

Gottfried : c’est sans doute plus son caractère que ses certitudes car chacun de nous, croyant avoir trouvé la solution, ne veut plus en démordre. Il y a donc différents modes d’existence. La cigale préfère plus de liberté, la fourmi plus de sécurité. Elles n’en doutent pas et elles sont toutes les deux dans le vrai parce qu’en persévérant, elles voient les fruits de leur attitude. Comme nous. Mais monsieur Bâton, arrêtons de parler de fourmis et de cigales ; cela me donne faim et je n’ai pas encore déjeuné.

Socrates : alors je vous laisse, monsieur Oiseau; je vais réfléchir à ce que vous m’avez dit.

Gottfried: réfléchir ?! A quoi bon ? Pourquoi ne pas juste chanter?


Analyse

Douter arrête l’action et perturbe l’esprit mais il y a différente façon d’aborder les doutes et c’est ce que ce dialogue met en avant.

Pour Gottfried, le doute qui arrête l’action disparait aussi dans l’action mais il cherche moins à trouver une solution qu’à se détacher de ce qui a provoqué le doute. Cela lui permet de passer le temps en attendant que la solution vienne d’elle-même. C’est un peu comme dormir parce que la nuit porte conseil ou aller se promener avant de prendre une décision. Cela met en avant une caractéristique du doute qui est d’occuper la pensée et donc de lui interdire d’être ouverte à des réponses nouvelles. En s’obligeant à faire autre chose, les choses s’éclairent parce que la solution est déjà là mais il faut la laisser apparaître.

Socrates lui voit le doute comme la possibilité de chercher activement des solutions en utilisant sa capacité d’analyse et de raisonnement. Il s’agit moins d’oublier le doute que de l’utiliser pour s’améliorer ou améliorer son existence.

L’un et l’autre évoquent aussi une troisème hypothèse, celle où le respect strict des règles et des coutumnes suffit à orienter l’action sans qu’il soit besoin de questionner la validité de cette action parce que tout a été organisé au mieux soit par un être divin, soit par l’expérience, soit par une autorité magistrale.

Discussions possibles

Refuser de douter, est-ce refuser d’être?

Pourquoi l’action nous fait-elle oublier notre condition?

Pour finir

Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez le Discours de métaphysique, suivi de Monadologie et Autres textes où Leibniz expose sa théorie de l’harmonie pré-établie.

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Envie d’en savoir plus sur les goûts de Socrates et Gottfried? Leurs livres préférés sont dans la bibliothèque du domaine.


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