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Dialogue existentiel 10: quel rapport entre savoir, culpabilité et pouvoir?

Dialogue existentiel 10: quel rapport entre savoir, culpabilité et pouvoir?

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Dialogue existentiel 7: quele rapport entre culpabilité et pouvoir?

Quel rapport entre savoir, culpabilité et pouvoir?

Un dialogue entre Mickael et Charmide les daims et Socrates le bâton. De manière générale, Charmide et Mickael préférent fuir que se battre. Charmide pense que la tempérance est la meilleure règle de vie; Mickäel se méfie du pouvoir qui cherche toujours à asservir. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite attentivement les réponses.

Mickael: Charmide, je crois que j’entends venir quelqu’un.

Charmide: vous avez raison mon ami, fuyons.

Socrates: messieurs les daims, attendez, où allez-vous?

Mickael: Socrates, c’est vous! Que faites-vous par ici?

Charmide: nous croyions que vous restiez toujours de l’autre côté des Confins.

Socrates:  j’aime varier mes sorties et je viens juste de rencontrer Niccolò.

Mickael : ah, oui, il est souvent dans les feuilles au bas du chemin; il planifie ses futurs méfaits.

Charmide: vous avez réussi à le voir? En général, il est discret.

Socrates: il dormait au soleil, il ne m’a pas entendu venir.

Mickael: c’est son problème, malgré toutes ses ruses, il se laisse surprendre.

Charmide: alors il frappe et ça n’arrange pas sa réputation.

Socrates: il m’a raconté ce qui s’est passé avec Eve;  il en est encore très contrit.

Mickael: ne croyez pas tout ce qu’il dit, il voulait la contrôler, il a réussi.

Charmide: et maintenant les humains nous maltraitent parce qu’ils se pensent supérieurs.

Socrates: cher Mickael, comment pouvez-vous dire qu’il contrôle Eve alors qu’il a lui-même perdu le principal de sa grandeur?

Mickael: son discours a instauré une nouvelle norme en elle et chez les humains en général. Ils ont su qu’ils avaient désobéi et ils se sont sentis coupables. Or culpabilité et pouvoir font bon ménage car cela permet à celui qui accuse de prendre la position du juste, même s’il ne l’est pas, et de condamner les autres. Niccolà a introduit le trouble et la dissenssion et il sait se servir de cela.

Charmide: les humains sont devenus susceptibles et agressifs parce qu’ils ont commencé à chercher des réponses sans pourtant les trouver et sans même pouvoir se mettre d’accord entre eux. A côté du paradis où rien ne prêtait à inquiétude, c’est difficile. Certains ont cru avoir des réponses et ont commencé à dominer les autres. Ceux qui n’étaient pas d’accord ont été culpabilisé de leur ignorance. Tous se vengent sur nous qui n’avons pas les moyens de nous défendre.

Socrates: mais Niccolò n’est plus le bénéficiaire de cette culpabilité.

Mickael: détrompez-vous, cher Socrates, il suffit qu’elle existe pour qu’il en profite. Il génère toujours la peur et rend mal à l’aise. Ceux qui le rencontrent se demandent ce qu’ils ont fait pour qu’ils se sentent menacés par sa présence alors ils le fuient au plus vite.

Charmide: c’est plus efficace que la menace directe et cela lui permet de mener à bien ses transactions souterraines.

Socrates: c’est un moyen de contrôle social subtil auquel je n’avais pas pensé mais certains humains ne s’occupent pas de lui et vont leur propre chemin sans s’occuper des autres. Comment pourraient-ils alors être mis au banc des accusés ou se sentir concernés?

Mickael:  vous voulez parler des indisciplinés? Des indépendants? Des fous?

Charmide: de ceux qui cherchent la tempérance et la mesure?

Socrates: oui, ceux-là mêmes qui questionnent les opinions et cherchent la vérité. Car si nous arrivons à la trouver, elle fera l’accord de tous et rendra les dissenssions inutiles. C’est donc une recherche louable.

Mickael: ceux-là seront rattrapés par la culture de leur temps! Vous nous parlez de culture universelle mais c’est un leurre. Il y a toujours un ordre particulier qui maintient l’organisation du moment et tout ordre suppose un pouvoir dominant qui n’acceptera jamais d’être mis en question. Ceux qui le font seront emprisonnés, mis à l’écart, châtiés si rien d’autre ni fait mais avant, ils auront à lutter contre la pression sociale. C’est un pouvoir de normalisation très fort. C’est pour cela que nous restons à l’écart des étangs. Nous fuyons les influences qui ne nous conviennent pas.

Charmide: la sagesse est un idéal certes louable qui apporte la mesure mais elle demande de vivre seul car elle ne peut pas éclairer tout le monde en même temps.

Socrates: mes amis, la connaissance intime du monde au delà des apparences nous permettrait d’être à nouveau tous unis.

Mickael: cette connaissance deviendrait pour les humains un nouvel outil de pouvoir, mon cher Socrates. Vous croyez à une nature humaine qui pourrait retrouver sa bonté première mais la nature n’existe pas pour eux. Il n’y a que leur histoire qui forme leurs caractères et développe leurs idées. Depuis la chute, cette histoire est toujours celle d’une lutte des classes et des espèces.

Charmide: pour ce qui nous concerne, nous recherchons la paix et la tranquillité dans ce coin de forêt mais quand les humains arrivent, nous nous sauvons.

Mickael: on ne peut pas être ami avec celui qui veut nous dominer pour se sentir exister.

Charmide: à cause de Niccolò, ils ont oublié tout ce qui leur venait facilement au jardin.

Mickael: il a semé en eux la soif du savoir mais il ne leur a pas dit comment il faudrait l’utiliser.

Socrates: pourtant Gottfried les aime et vous, vous êtes amis avec Niccolò.

Charmide: oh, lui, il n’a pas beaucoup de cervelle, c’est tout. Quant à nous, Niccolò n’a rien à tirer de nous et nous le laissons tranquille donc pourquoi nous menacerait-il?

Mickael: Gottfried, c’est un oiseau des villes. En comptant sur le  bon vouloir des humains, il a perdu sa liberté. Nous, nous ne sommes pas dépendant de Niccolò donc il peut être notre ami.

Socrates: vous voyez donc que votre savoir vous donne à vous aussi le pouvoir de décider.

Mickael: oui, parce que nous ne nous sentons coupables et redevables de rien. Si nous n’essayons pas de plaire et si nous ne partageons pas notre savoir, rien ne peut être utilisé contre nous.

Charmide: les humains ont oublié que les choses se font en leur temps et qu’il faut être patient et attentif. Cela nous donne notre chance quand ils nous chassent sinon nous serions déjà des trophés sur leurs cheminées.

Socrates: vous avez raison, la sagesse est un long apprentissage.

Mickael: ceux qui comme Gottfried ne font plus l’effort de chasser, ils engraissent et deviennent dépendants.

Socrates: c’est vrai qu’il est un peu gras par moment mais je l’aime bien et il est toujours joyeux.

Mickael: c’est la joie de l’ignorant…

Charmide: allez, Mickael, il faut tout de même reconnaître qu’il n’est pas si ignorant que cela puisqu’il a trouvé comment vivre facilement!


Analyse

Socrates poursuit ici la réflexion amorcée au dialogue précédent, « Comment maintenir la paix? ». Les actions de Niccolò le serpent sont à nouveau évoquées mais elles sont maintenant commentées par les daims.

Pour Charmide, la soif de connaissance risque d’éloigner de la tempérance car celui qui sait veut souvent dominer ceux qui ne savent pas. Or la tempérance sait que le pouvoir est un leurre qui enferme aussi celui qui l’utilise. Mickael renchérit sur ce point en affirmant que ceux qui ont le pouvoir définissent la normalité comme la possession de ce savoir et culpabilisent ceux qui ne l’ont pas mais c’est un effort constant. Niccolò est responsable de cet état car il a éloigné les humains de la connaissance intuitive. Le savoir qui ne génère ni culpabilité, ni pouvoir, c’est celui qui permet de vivre à l’écart et de ne dépendre de personne.

Socrates dit que le savoir qu’il faut rechercher, c’est celui qui est connaissance de la nature des choses. Synonyme de sagesse et d’universalité, il est source d’unité et d’égalité. Il ne culpabilise pas mais réunit.

Discussions possibles

A quoi tient le pouvoir des mots?

Pourquoi les rois avaient-ils un fou près d’eux?

Pour finir

Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez Surveiller et punir: naissance de la prison où Michel Foucault montre comment la définition des déviances permet la surveillance efficace de tous.

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