Lois et variations culturelles
Un dialogue entre Peter le faucon et Davina l’oie. Peter pense que les animaux sont les égaux des humains et que l’entraide est nécessaire. Davina est une grande voyageuse qui affirme que la connaissance et la morale s’acquièrent avec l’expérience.
Davina: bonjour Peter, comment allez-vous aujourd’hui?
Peter: très bien, Davina, et vous entendre est un plaisir supplémentaire.
Davina: ah, ah, toujours aussi galant! Écoutez plutôt ces deux histoires que j’ai choisies, une qui vient de Finlande et l’autre du Canada. Les deux concernent des nudistes.
Peter: des nudistes au Canada et en Finlande!
Davina: oui, ils semblent résistants au froid dans ces pays du nord ou bien il veulent profiter du soleil dès qu’il y en a. En tout cas, en Finlande, ils sont libres de se dénuder mais au Canada, ce n’est pas possible. Que dites-vous de cela?
Peter: je peux vous l’expliquer par les lois locales, bien sûr, mais ce qui est plus intéressant, c’est de parler du contraste entre un désir commun et des répercussions opposées.
Davina: oui, c’est même fréquent que selon l’endroit où les humains se trouvent, ils auront le droit de satisfaire leurs envies ou non alors qu’elles sont les mêmes.
Peter: c’est bien une preuve qu’ils sont incapables de s’entendre alors qu’ils se ressemblent. Il y a une structure commune sous-jacente à toutes les habitudes. Cela tient au fait que les humains ont des désirs identiques. Cela devrait donc logiquement générer des réponses uniformes mais en réalité, elles prennent des formes différentes selon les endroits.
Davina: vous parlez ici de l’envie universelle de se sentir libre, de communier avec la nature, de revenir aux sources?
Peter: oui, c’est ça, dans un cas, cela peut s’exprimer en public, dans un autre, cela doit rester dans le domaine privé.
Davina: ce serait plus facile si nous pouvions comprendre pourquoi ces coutumes changent puisqu’à priori, rien ne le justifie.
Peter: la plupart des lois humaines sont arbitraires, destinées à imposer un pouvoir ou à définir une norme plutôt que de répondre rationnellement à un problème précis. Elles suivent des idées culturelles qui définissent une identité mais ne sont pas forcément justifiées. C’est pour cela qu’elles changent régulièrement. Mais dites-moi, ils faisaient quoi ces nudistes?
Davina: en Finlande, ils prenaient un bain ensemble pour battre un record; au Canada, certains voulaient danser sans entraves lors d’un concert.
Peter: on pourrait donc penser que c’est une affaire de nombres…
Davina: et que si la majorité des gens s’était dénudée pour danser, il n’y aurait pas eu de problème?
Peter: il y aurait en tout cas eu prise de conscience d’une envie collective et le mouvement aurait pu s’étendre.
Davina: avec des heurts je suppose.
Peter: c’est vrai, chaque culture se définit par opposition aux autres donc il y a toujours de la résistance au changement puisque ça signifie perdre une partie l’identité précédente.
Davina: pourtant nous voyons bien que les humains se ressemblent même dans leurs différences alors pourquoi ne le voient-ils pas?
Peter: parce qu’ils ne le veulent pas. Ils ne peuvent que jouer sur les apparences pour se différencier alors ils y tiennent. C’est ce qui rend nos déplacements difficiles car nous ne savons jamais à quoi nous en tenir.
Davina: d’où la nécessité de nous familiariser avec des lois incohérentes qui de surcroit peuvent changer quand le besoin s’en fait sentir.
Peter: pourtant, elles restent nécessaires car elles encadrent la société en lui donnant des régles. Elles créent un ensemble de valeurs partagées qui permettent aux membres du groupe de se reconnaître entre eux.
Davina: si bien que quand la loi change, la société change aussi.
Peter: voila, c’est ce qui explique les résistances.
Davina: les humains sont bien compliqués. S’ils avaient conservés leurs poils, cela leur aurait simplifié la vie au moins pour ce qui est de ces histoires.
Peter: qui vous amusent il me semble.
Davina: oui, cela nous permet à nous aussi de mesurer nos différences avec eux et de souvent nous sentir confortés dans ce que nous sommes.
Analyse
Peut-on expliquer les différences culturelles?
Pour Peter, elles cachent une structure sous-jacente identique à tous mais elles existent pour permettre des différences et l’émergence d’identités particulières.
Pour Davina, elles sont difficilement justifiables car elles changent régulièrement et il faut se familiariser avec elles pour voyager. Cela permet pourtant la comparaison avec les autres et le renforcement des croyances locales.
Discussions possibles
En quoi les différences culturelles sont-elles souvent l’occasion de drames?
Doit-on agir selon sa conscience ou selon la coutume?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez, par exemple, Race et histoire où Claude Lévi-Strauss montre cultures et évolutions locales sont liées.
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