Les lois sont-elles nécessaires?
Un dialogue entre Irinas les feuilles mortes et Emmanuelles les tortues. Les Irinas pensent que la vie est attente et mystère mais elles sont disposées à saisir les opportunités du moment tout en restant nostalgiques du passé. Elles craignent le mal qui sait prendre des apparences trompeuses. Les Emmanuelles sont des raisonneuses qui préfèrent se fier à la logique plutôt qu’aux sentiments.
Emmanuelles: Irinas, vous avez entendu la dernière émission de Davina et Peter?
Irinas: à propos des droits des rivières en Inde et des cochons au Canada?
Emmanuelles: oui, c’est ça. Vous en pensez quoi?
Irinas: toujours la même chose, chères Emmanuelles, ils vont nous attirer des ennuis à force de commenter les affaires humaines.
Emmanuelles: mais vous n’avez pas vu que les idées qu’ils discutent sont fausses? Les humains ne pensent pas plus que le monde est fait pour eux que nous ne le pensons.
Irinas: que voulez-vous dire ?
Emmanuelles: l’étang est notre domaine et nous y faisons la loi dans les profondeurs. L’arbre vous nourrissait et vous preniez du carbone dans l’air sans vous demander si cela était juste. Peter, nous l’avons déjà dit, ignore la souffrance des grenouilles et Davina celle de l’herbe. C’est une tendance naturelle que de se développer au dépend de son environnement.
Irinas: alors pourquoi donner des droits comme ils le font?
Emmanuelles: ce que ne voient pas Peter et Davina, c’est que cette idée n’est le fait que d’une petite minorité qui a perdu le sens commun. Le jour où le cochon sera si protégé qu’il ne faudra plus le manger et les rivières si sacrées qu’elles ne pourront plus être utilisées, comment feront-ils pour vivre?
Irinas: vous avez raison; Peter et Davina aiment le sensationnel sans voir qu’en parler en le glorifiant, c’est risquer de semer la dissenssion dans les communautés.
Emmanuelles: les gros titres pour la grande audience même si leurs histoires n’ont pas de substance.
Irinas: et l’idée de compassion alors, qu’en dites-vous?
Emmanuelles: que les premiers habitants du Canada comme ceux qui ont dit que les esprits étaient partout en Inde n’obéissaient qu’à leurs peurs. Ils demandaient pardon ou étaient respectueux parce qu’ils craignaient que la nourriture vienne à manquer ou que les choses se rebellent. Ils vivaient dans la superstition et non pas dans la morale pure et primitive que Peter met en avant.
Irinas: c’est exact car dés lors que les humains comprennent mieux les lois du monde, ces peurs disparaissent.
Emmanuelles: ce que Peter et Davina ne voient pas non plus, c’est que la compassion est un défaut que seuls certains humains possèdent car il est bien connu qu’à aider les autres, on se perd soi-même. Il en va de même pour l’obéissance que les lois morales supposent. En limitant la liberté, elles limitent les possibilités et ne bénéficient souvent qu’à ceux qui les ont promulguées.
Irinas: ils sont fascinés par le bizarre sans voir qu’il s’agit encore d’un rapport de force.
Emmanuelles: nous sommes bien d’accord; seules la logique et la réflexion permettent d’éviter les erreurs.
Irinas: alors que penser des actions humaines qu’ils citent?
Emmanuelles: rien, cela ne nous concerne pas et je vous rejoint sur ce point, il vaudrait mieux ne pas en parler. Non pas que cela va nous attirer des ennuis mais c’est inutile. L’idée de droit n’existe pas chez les plantes ou les animaux parce que chacun accepte la place qu’il a et les conséquences que cela implique. C’est la vie et la liberté qui va avec.
Irinas: oui, pour nous comme pour le reste de la création, ce qui arrive arrive, les lois n’y changeraient rien. Par contre, prudence et ingéniosité nous permettent de prospérer.
Emmanuelles: c’est cela. Nous comprenons que tout ce qui se produit a un sens et cette connaissance nous permet de faire les choix appropriés aux circonstances. Cela suffit. Si nous faisons des erreurs, nous le payons.
Irinas: d’ailleurs la rivière polluée reste une rivière et si elle rend malade ceux qui la polluent, c’est son action juste pour prospérer. Les cochons abreuvés ou pas iront à l’abattoir parce qu’ils y étaient destinés et ils sont les acteurs de leur sort pour n’avoir pas su se libérer. Il n’y a pas besoin de lois pour que les choses rentrent dans l’ordre.
Emmanuelles: l’idée de droits suppose un déséquilibre mais le déséquilibre n’existe pas dans la nature donc les lois sont une invention humaine inutile. La meilleure preuve, c’est que peu les suivent de toute façon.
Irinas: certains des plus insensés veulent contrôler la nature sans voir qu’elle les mène.
Emmanuelles: exactement. Nous pourrions aussi dire que certains utilisent les lois pour dominer les autres. Peter et Davina font comme s’ils étaient humains et discutent des idées d’une petite minorité. En réalité, ce sont deux volatiles au grand bec, pas plus.
Analyse
Un monde sans loi est-il possible?
Pour Irinas, la discussion des lois entre dans la catégorie du spectaculaire qui occupe l’esprit d’une minorité mais détourne des exigences immédiates de l’existence. Il faut accepter les circonstances et jouer avec pour survivre car en fait de compte, la nature est la plus forte. Les lois ne font que compliquer les choses.
Pour Emmanuelle, les lois ou coutumnes qui limitent les possibilités de survie sont des aberrations qui perdent ceux qui les possèdent car la vie est un combat qui ne se gagne pas en étant généreux ou obéissant. Seule la raison permet de savoir comment agir au mieux pour prospérer.
Discussions possibles
L’anarchie est-elle une solution aux conflits d’intérêts?
La loi du plus fort est-elle une loi?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez, par exemple, Discours de la serviture volontaire où La Boétie montre que la liberté implique la révolte non-violente contre le pouvoir.
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