Comment peut-on définir le destin ?
Un dialogue entre Socrates le bâton et Baruch le héron. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite attentivement les réponses. Baruch passe beaucoup de temps immobile et cela lui permet de comprendre que chacun est unique et particulier mais pourtant en relation avec les autres et l’univers.
Socrates: cher Baruch, je pensais justement à vous après avoir discuté avec Gottfried et voila que je vous trouve comme si le destin m’avait entendu.
Baruch: je ne sais pas si le destin vous a entendu ou s’il s’agit juste de la rencontre prévisible de deux trajectoires indépendantes mais savez-vous qu’il m’a fait rencontrer quelqu’un dans le sud? C’était ce que vous aviez presque prédit avant mon départ.
Socrates: c’était en tout cas ce que j’espérais pour vous et je suis fort heureux d’avoir vu juste.
Baruch: auriez-vous des dons de clairvoyance?
Socrates: non, juste un démon qui me guide et comme vous, des intuitions. Elles sont basées sur l’observation, l’expérience, la régularité des grands nombres alors que vous rencontriez quelqu’un n’était pas très difficile à prédire.
Baruch: c’est vrai, toutes nos existences sont assez prévisibles dans les grandes lignes et comme toutes les choses arrivent selon des relations de causes à effets, si nous connaissions toutes les relations à l’œuvre dans le monde à un moment donné, nous connaîtrons aussi le futur. Mais c’est sans doute mieux que nous pensions qu’il s’agit du hasard.
Socrates: qui est un autre mot pour parler des limites de notre connaissance, nécessaires pour préserver la surprise de l’inconnu.
Baruch: oui, d’un côté, nous aimerions tout savoir, de l’autre, ce n’est pas à souhaiter.
Socrates: c’est pour cela que nos intuitions restent des incertitudes. Elles peuvent nous guider mais n’offrent aucune garantie. Je pensais que vous rencontriez quelqu’un mais je ne pouvais pas savoir que ce serait cet hiver.
Baruch: et moi, les questions que vous me posiez à propos de la persévérance et de la patience me faisaient penser que vous aviez quelque chose en tête mais je n’aurais pas pu dire exactement ce que c’était.
Socrates: il s’agissait de Baguette, bien sûr, et ces interrogations ont disparu.
Baruch: remplacées par du bonheur, comme moi, et de nouvelles inquiétudes si bien que vous allez prendre de nouvelles décisions.
Socrates: vous voyez, prédire le futur n’est pas très difficile, il suffit d’avoir de l’empathie.
Baruch: pourtant, comme pour moi, vos questions ne seront vraiment résolues que quand les choses seront dites ou faites. Zénon de Citium conseillait d’accepter le moment comme il vient parce que le reste arrivera selon ce qui etait prévu et sera pour le mieux mais ce n’est pas toujours aisé à croire
Socrates: je vous reconnais pourtant bien dans cette idée mais est-ce à dire qu’il faut s’en remettre au destin?
Baruch: non parce que c’est impossible, il faut toujours faire des choix et même s’ils sont écrits, ils ne sont pas assez clairement écrits pour que nous sachions lesquels sont les bons. C’est ce qui nous fait penser que nous sommes libres même si nous ne le sommes peut-être pas vraiment. C’est aussi ce qui rend les décisions toujours difficiles.
Socrates: pour ma part, il me semble que ce qui me trouble est ce qui m’indique le chemin. J’y réfléchis, je pose des questions, cela me permet de trouver une solution.
Baruch: ce pourrait être une des façons qu’a le destin de nous parler car les événements qui n’ont pas de sens pour nous, nous ne les voyons pas ou nous les oublions vite.
Socrates: comme si nous ne retenions que ce qui nous indique la voie.
Baruch: c’est cela, le sens de ces événements peut nous échapper longtemps ou prendre des formes différentes au fur et à mesure que nous y pensons mais dans tous les cas, il s’agit d’un processus qui oriente.
Socrates: il arrive même que parfois, cette décision apporte le contraire de ce qui était visé mais que ce contraire s’avère plus tard être exactement ce qu’il fallait, comme si l’erreur du moment était la clé nécessaire pour des changements difficiles mais bénéfiques.
Baruch: ce qui prouve que le destin prend bien des formes et reste aussi inconnaissable qu’inéluctable…
Analyse
Qu’est-ce que le destin?
Pour Baruch, c’est le déterminisme à l’oeuvre dans le monde: tout arrive nécessairement selon un rapport de causes à effets mais il est pourtant impossible de connaitre toutes les influences du moment si bien que l’avenir reste impénétrable. Et c’est aussi bien comme cela.
Pour Socrates, c’est ce que nos intuitions, basée sur l’expérience et l’observation, nous permettemnt de deviner mais cela reste toujours imprécis dans le temps si bien qu’elles sont un guide plus qu’une assurance. Les événements troublants qui nous poussent à réfléchir sont sans doute des signes que le destin nous envoie quand des décisions sont nécessaires.
Questions possibles
Les voyants peuvent-ils vraiment prévoir le futur ?
Le destin peut-il être éclairé par la science ?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez, par exemple, Lire les stoïciens, une présentation de cette philosophie à travers des fragments de textes de ses auteurs grecs et latins.
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