Qu’est-ce que l’adversité?
Un dialogue entre Socrates le bâton et Baruch le héron. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite les réponses. Baruch passe beaucoup de temps immobile et cela lui permet de comprendre qu’il est un élèment en relation avec l’ensemble de l’univers où tout est lié.
Socrates: ah, Baruch, vous voila, dites-moi, avez-vous déjà eu des jours où rien ne va?
Baruch: Socrates, ces jours-là font partie de la vie…
Socrates: mais savez-vous pourquoi ils arrivent?
Baruch: je crois que ce sont des tests.
Socrates: des tests?
Baruch: des tests d’endurance, des tests de personnalité, des tests pour savoir si vous vous laissez abattre ou si vous vous relevez pour continuer. Lâcher dans l’adversité, c’est devenir triste, il faut donc toujours lutter pour être heureux et ces jours là nous le rappellent.
Socrates: vous avez un exemple?
Baruch: il y a peu de temps de cela, j’étais perché sur une de mes pattes à guetter le poisson quand un vent violent s’est levé et une branche m’est tombée dessus. J’ai voulu rentrer dans ma héronnière pour me reposer mais quand je suis arrivé, je n’avais plus de maison, elle s’était envolée.
Socrates: c’est pour cela que j’ai comme devise de ne jamais être trop joyeux dans le bonheur ni trop triste dans le chagrin car je sais que tout est éphémère et je ne tiens donc rien pour acquis. Cela m’évite des surprises désagéables et cela me prépare au pire. Mais vous, qu’avez vous fait?
Baruch: je me suis allongé dans un fourré en espérant que le renard ne me trouverait pas et j’ai passé la nuit là. Le vent s’est calmé, mon aile s’est remise, j’ai alors réparé ma héronnière avec toutes les branches qui étaient tombées. Cela m’a rendu heureux à la fois de voir comment je surmontais l’adversité et de voir que ce qu’elle avait provoqué me servait aussi à la surmonter. J’ai savouré le moment sans retenue car je l’avais bien mérité.
Socrates: votre ténacité m’impressionne.
Baruch: quand rien ne va, il faut reprendre des forces et attendre le lendemain. Si rien ne s’est arrangé, au moins vous avez de l’énergie fraiche pour commencer la journée et réparer ce qui doit l’être. Il faut aussi voir que tout a une cause et que l’adversité trouve son origine dans la causalité du monde. Elle est donc inévitable et le savoir est apaisant. Cela enlève la culpabilité.
Socrates : et si c’est pire ? Admettons que le renard vous ai trouvé …
Baruch: cher Socrates, je ne vous savais pas si pessimiste. En ce qui me concerne et comme vous l’avez dit vous-même, je crois que tout passe. Donc si le renard me mange malgré tous mes efforts pour l’éviter, c’est ma vie qui passe et je ne peux plus lutter. C’est aussi un test que dans ce cas, je ne peux pas surmonter. Ce qui est inscrit dans l’ordre des choses, je ne peux que l’accepter.
Socrates: je comprends: si vous avez été constant dans vos croyances et vos actions, il n’y a rien à regretter. Pour moi, la certitude d’agir selon ma conscience me permet d’avoir toujours l’esprit serein et d’accepter ce qui vient comme il vient. Sur ce point, nous nous rejoignons.
Baruch: il faut aussi souvent laisser le temps passer pour trouver la solution qui nous échappe parce que nous sommes trop accaparés par ce qui ne va pas. C’est cette certitude qui me rend serein.
Socrates: ainsi, les mauvais jours sont des occasions de réfléchir à comment faire pour avoir de bons jours.
Baruch : c’est ça. Mais pourquoi m’avez-vous posé la question?
Socrates: j’aime trouver avec vous la confirmation de mes idées même si nous avons souvent des points de départ différents.
Baruch: vous ne cesserez donc jamais de me poser des questions, j’en ai peur, et de faire ainsi fuir le poisson. D’ailleurs, en parlant de cela, avez-vous pensé à m’en apporter?
Socrates: cher Baruch, vous savez revenir aux choses essentielles! Ne vous inquiétez pas, j’en ai, je vous les dépose là!
Baruch: rassurez-vous, cet arrangemenmt est temporaire, je vais bientôt partir dans le sud pour passer l’hiver là-bas.
Socrates: une autre façon d’éviter les jours où rien ne va!
Baruch: et de survivre, oui, vous avez raison, les solutions sont multiples.
Analyse
Peut-on donner un sens à l’adversité?
Pour Baruch, elle permet de tester les croyances et de réexaminer la valeur des décisions prises auparavant. Il s’agit donc de moments douloureux mais indispensables et inscrits dans l’ordre du monde. Le savoir permet de rester serein et de mieux lutter pour retrouver le bonheur.
Pour Socrates, ne pas espérer trop permet d’atténuer la difficulté des jours où rien ne va et de mitiger l’exubérance des jours où tout va. La modération des émotions est donc le remède à l’adversité.
Discussions possibles
Est-ce toujours le beau temps après la pluie?
La modération des passions est-elle compatible avec le bonheur?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez, par exemple, L’éthique où Spinoza explique comment on devient heureux quand on comprend que Dieu, la nature et la causalité sont identiques. Cela permet alors de se détacher de l’individualité bornée, source de tristesse.
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