A quoi servent les anges gardiens?
Un dialogue entre Socrates le bâton et Aurelius l’ange. Socrates sait qu’il ne sait rien et cela le conduit à poser de nombreuses questions. Il examine ensuite attentivement les réponses. Aurelius se veut le gardien de la pensée judéo-chrétienne classique tout en restant attentif et compatissant.
Socrates: ah, vous voila Aurelius, je vous cherchais.
Aurelius: je suis toujours avec vous, Socrates, vous devriez le savoir.
Socrates: certes, cher Aurelius, c’est ce que vous affirmez mais si vous êtes toujours avec moi, pourquoi ne me protégez-vous pas mieux? A quoi servent les anges gardiens, c’est de cela que je voulais vous parler.
Aurelius: vous n’êtes pas content des choses qui vous arrivent? Pourtant, il me semble que vous êtes la plus sage des créatures comme vous l’a dit la pythie de Delphes il y a longtemps, que voulez-vous de plus?
Socrates: que je sache que je ne sais rien ne m’aide pas toujours dans les tracas de ma vie quotidienne. Pourquoi donc ai-je un ange gardien qui ne fait rien pour moi?
Aurelius: vous ne savez rien pas ce que serait votre vie si je ne vous protégeais pas.
Socrates: voila une vraie réponse de sophiste, impossible à contester. Vous me demandez de croire sans preuve parce que les questions que je vous pose ne vous plaisent pas.
Aurelius: je fais en sorte que tout se passe le mieux pour vous mais vous ne le voyez pas toujours. Si vous aviez foi en moi, vous sauriez que tout est pour le mieux.
Socrates: donc quand il m’arrive quelque chose de négatif, c’est pourtant positif? Je vous accorde que mes maux sont souvent supportables et qu’à long terme, ils se révèlent parfois bénéfiques mais que dites-vous à ceux qui perdent leurs enfants? Que tout est pour le mieux pour eux? Pour leurs enfants? Et que dire des terroristes, sont-ils protégés par leurs anges gardiens eux aussi? Cela n’a pas de sens!
Aurelius: je vais vous répondre de deux façons car vos questions sont multiples. D’abord, si vous savez que vous ne savez rien comme vous le dites, pourquoi vous inquiéter de vos erreurs? Et comment savez-vous d’ailleurs que ce sont des erreurs? Vous avez bien vu que ce qui un jour apparait mauvais peut se révéler bon le suivant. Vous devez faire confiance au monde et accepter ce qui est car vous ne savez pas pourquoi ce qui sera sera.
Par ailleurs, il existe une liberté du pêcheur. Elle est indispensable pour que chacun puisse comprendre pourquoi il faut croire à la valeur supérieure du bien. Les méchants sont ceux qui n’ont pas trouvé leur ange gardien. Ils ne se laissent pas guider par leur cœur. Les terroristes se sont égarés sur des chemins de traverse.
Socrates: donc celui que j’appelle mon démon bienveillant m’empêche de faire des erreurs mais il me laisse libre?
Aurelius: c’est ce que je vous dis. Pour l’écouter, vous devez croire en lui. Car démons comme anges, nous ne pouvons agir que si nous avons le champ libre dans votre coeur et nous ne pouvons pas arrêter le mal. Juste indiquer qu’il existe.
Socrates: diriez-vous donc que les victimes ont été sourdes à vos avis? Vous ne m’avez pas vraiment répondu à propos des enfants sacrifiés. Où était leur ange gardien? Et vous affirmez que ce qui leur est arrivé se révélera un bien?
Aurelius: les victimes innocentes sont le signe que nous ne sommes pas infaillibles. C’est pour cela qu’elles seront récompensées dans l’au-delà.
Socrates: des brebis sacrifiées, c’est cela? Mais dans quel but?
Aurelius: un but qui dépasse l’individuel tout en le servant. Chaque sacrifice permet un réajustement de l’ordre divin qui au bout du compte bénéficiera au plus grand nombre. Et ceux qui meurent, vous ne pouvez pas savoir comment leur vie aurait été s’ils avaient vécu. Vous ne voyez que l’instant du malheur sans deviner la grandeur du bien, c’est là votre erreur.
Socrates: c’est un saut difficile à faire…
Aurelius: vous devez aussi savoir qu’il y a des forces contre lesquelles il est très difficile de lutter et que je ne peux pas vous protéger contre tout sinon vous seriez éternel et éternellement heureux. C’est incompatible avec l’essence même de la vie sur terre. Ce qui arrrive a un sens même quand ce sens dépasse vos capacités de compréhension.
Socrates: vous me proposez donc de croire que tout est pour le mieux même quand cela semble terrible.
Aurelius: oui car croire en son ange gardien est une aide précieuse qui vous apporte des assurances qui n’existent pas dans la vie quotidienne. C’est aussi en cela que je vous protège.
Socrates: vous êtes un maître en réthorique, cher Aurélius.
Aurelius: c’est surtout que nous ne parlons pas le même language, cher Socrates!
Analyse
La question « à quoi servent les anges gardiens? » examine plus généralement comment il est possible de réconcilier l’existence du mal avec la croyance en un dieu bénévolent.
Socrates croit en un démon protecteur et aux annonces mystèrieuses de la pythie de Delphes mais il demande à Aurelius comment cette protection apparente est compatible avec les maux de la vie quotidienne et les plus grands malheurs qui arrivent à certains.
Aurelius lui répond d’abord que le malheur d’un jour peut être le bienfait du lendemain parce que cela introduit ou nécessite des changements qui se révéleront positifs. C’est pour cela que la protection ne peut être totale car il faut que maux et mort aient leur place. Cependant, parce que le monde est organisé au mieux, il ne faut pas ne voir que l’immédiat. De plus, cette protection est impossible à prouver car elle évite des maux mais elle ne donne pas des faveurs. Enfin, elle ne s’applique qu’à celui qui veut y croire ce qui rend la question inutile.
Discussions possibles
La notion du bien est-elle dépendante de celle du mal et vice-versa?
S’il faut croire pour comprendre, peut-on comprendre sans croire?
Pour finir
Envie de réflexion un peu plus poussée? Voyez Les Confessions où St Augustin montre comment la grâce divine est nécessaire pour se tourner vers le bien.
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